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Photo du rédacteurDominique Allemand

Le Rock est vivant !

(photo de https://www.facebook.com/JEH.MANU06/ du groupe Sticky Fingers pendant le Festival de la Pierre et du Rock)

Le temps est une notion que nous pensons avoir domptée et artificialisée comme tout l’espace qui nous entoure. Nous l’avons disséqué jusqu’à la nano seconde autorisant ainsi l’existence d’un espace virtuel dans lequel tout se confond et tout est immédiat. Dans le pays de Beuil, les rythmes qui nous entourent nous laissent croire que nous faisons encore partie du monde réel.

Le temps long de la pierre, les pierres construites par le sédiment de la vie pour certaines, soudées par un ciment siliceux rouge pour d'autres, ciselées, gravées, polies pour devenir dolomites rutilantes. Elles révèlent, à qui sait les lire, la grande histoire et en distribuent régulièrement des photographies fossiles. Ridées par les glaciers, le vent, la pluie, la neige, habillées et maquillées par les plantes qui privilégient la vie rocheuse comme la Joubarbe, l’Orpin, le perce-pierre ou encore le chou des montagnes. Au gré des amputations, ces pierres modèlent les paysages, déposant, ici et là, dans les fracas de la chute, des agréments massifs dans les vallons.

Le temps du ciel qui, au gré des voiles nuageux et des cycles planétaires, fait, quelquefois, le soleil et la lune se mimer. Un soleil masqué, à peine perceptible, s’efface devant une lune éblouissante, remettant en question cette dualité temporelle que nous avons ancrée dans nos mémoires et nos corps. Dans ce ballet quotidien entre les astres dominants, surgit le monde des étoiles. Un monde qui nous interpelle sur le sens du temps. Les messages lumineux que nous observons avec toujours autant d’émerveillement, agencés parfaitement dans le dôme nocturne, sont le reflet d’un passé lointain, pourtant, on ne peut s’empêcher d’être enchanté au présent. L’étoile du berger, la grande ours, la voie lactée,… subtiles scintillement, repères immémoriaux, infinie beauté.

Le temps du Mélézin, cette forêt de Mélèzes qui recouvre en grande partie le pays de Beuil. Conquérant, profitant d’un réchauffement, il a trouvé sa place ici, transformant les sols pour les rendre fertiles, accompagnant généreusement le pastoralisme, abritant tant d’espèces comme ces fourmis rousses qui tricotent leur cité avec ses aiguilles et les écureuils de Pallas, éternels étourdis ou géniaux paysagistes, qui au grès des trous de mémoire et des trous de cachette délaissent des graines qui deviendront Mélèze. Il dirige le concert de nombreuses existences au rythme de ses aiguilles, de ses fleurs, de ses fruits qu’il produit, qu’il perd, qu’il enseveli. Il est aussi le métronome de la vie souterraine, symbiote du mycélium, il participe à l’éclosion des champignons. Il aime la compagnie des fraisiers et des framboisiers. C’est un vivant essentiel et les battements de son existence donnent la cadence à tout un milieu.

Le temps des saisons. Chaque saison ici vous transporte dans un autre monde. Un voyage cyclique vers de nouvelles vies et de nouvelles couleurs et comme par enchantement, on redécouvre à chaque fois un nouveau tableau. Il y a le changement de pigmentation, Vert prairie, blanc neige, ocre feuille et bigarré fleur. Il y a le changement de luminosité, pâle, vacillante, intense ou éclatante. Le changement de volume, plein, ciselé, dépouillé ou courbé. Mais ce qui est le plus enivrant c’est le mouvement de la vie. Cette vie qui façonne, sans cesse, au gré des saisons, quel que soit les conditions, cet habitat durable. Chaque individu a son rythme et ses particularités, nidification, éclosion, bourgeonnement, pousse, floraison, changement de peau, perte de bois, parade amoureuse, brame, hibernation, nymphose, Construction, recyclage, transformation, c’est un infini agencement d’actions d’êtres vivants qui s’exprime à chaque saison et qui font, que rien, jamais, n’est pareil. La temporalité des saisons est précieuse, c’est un marqueur indispensable à la symphonie d’existences qui se joue sous nos sens.

Le temps de l'eau, résurgence de lacs enfouis, rosée matinale, pluie diluvienne, orage violent, l’eau à sa cadence et son rythme. Elle déferle souvent le long des pentes, abreuvant, creusant, sillonnant au gré des pierres dans les vallons, transportant les sols qu’elle n’aura pas pénétrés. Elle se fige et mute en solide pour répondre au froid. Elle s’évapore, se perd et se fait rare à l’appel du soleil. Elle clapote, elle dort, elle est furieuse, elle s’efface, elle nourrit. L’eau, elle aussi, impose sa mélodie à laquelle nous sommes, tous les vivants, non seulement sensibles mais aussi dépendants. Ici, l’eau est reine, impératrice et sa rythmique est entendue et attendue de tous.

Le temps du vent, très souvent absent, qui s’exprime par alternance de brise légère et de violentes bourrasques. Il est le fou du roi, agitateur puissant, il rebat les cartes sans prévenir. Il agence la neige par ondes successives, modifie l’intensité des forêts, disperse les graines, porte les oiseaux et s’évanouit souvent aussi brusquement qu’il est apparu, laissant derrière lui son œuvre et cette assurance qu’il reviendra à qui voudrait l’oublier.

Dans cette multitude de temporalités naturelles, nous répondons par le tempo du rock. On aime à croire au Festival de la Pierre et du Rock, dans le pays de Beuil, que la musique reste un lien indéfectible, peut-être le seul, entre les humains et le monde qui nous entoure. Probablement emprunté aux cris, chants et hurlements de la faune, mimé du choc des pierres, du craquement des arbres, du bruit des ruisseaux, temporisé du silence d’une nuit glaciale et inspiré par la beauté du ciel étoilé et de la diversité des paysages saisonniers. On aime à croire que la musique est entendue de tous les êtres vivants, non pas comme une expression alien, mais bien comme faisant partie de ce monde. On aime à croire aussi, que le Rock est l’expression du sauvage, qu’il nous ramène à ce qui est inscrit en nous depuis des millénaires, que le chant, le battement des mains, le choc des pierres et du bois de nos ancêtres se retrouvent dans cette musique, nous permettant ainsi de vibrer de nouveau en harmonie avec le temps vrai.


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