Le Mélèze est incontestablement le monarque bienveillant du territoire de Beuil. C’est le vivant qui par sa population, sa longévité et sa masse est le plus important mais c’est dans le milieu, le biotope, l’écosystème dont il est le chef d’orchestre, que son règne s’exprime. Le mélézin, la forêt de Mélèze, est la mégapole de nos montagnes dans laquelle la vie abonde dans chaque centimètre carré. Pas un espace où un être ne s’épanouit pas, qu’il soit fleur, animal, lichen ou champignon, le Mélèze l’accueille, le nourrit, le protège, l’aide à se construire dans la cité du bois. C’est un pionnier, il s’installe sur des sols ingrats, les enrichit, proposant alors un espace de vie pour d’autres espèces, quelquefois même, concurrentes. Mort, emporté par le vent, la maladie ou la vieillesse, il continue son œuvre d’accueil, d’abris et de nourrice pour de nombreux insectes, oiseaux ou encore écureuils. Il fut anéanti par l’homme lorsque celui ne voyait en lui que le producteur d’un bois imputrescible, d’un bois de charpente, de chauffage et un concurrent pour l’agriculture. Mais il est revenu, obstiné, progressivement, lentement, il a reconquis son espace naturel, emportant avec lui une cohorte de vivants qui avaient disparu eux aussi. C’est un être intensément sensible qui, au travers de sa symbiose avec le mycélium, forge le réseau WWW (Wood Wide Web), communique avec son voisin, nourrit les plus jeunes, les anciens, et entretient la vie souterraine. Sa volonté aérienne de s’ériger vers le ciel, un point commun avec nous les humains, se fait aussi avec diplomatie et c’est par les airs, cette fois-ci, à l’aide des phytoncides, qu’il est capable de correspondre par le toucher, le goût, l’odorat et peut-être même la vue. Ainsi, par respect ou par pudeur, il peut retenir ses pousses et éviter que ses branches gênent ses congénères (Photo de Mélèzes dans le Garnier à Beuil dont les branches poussent à l’opposé l’une de l’autre pour ne pas se gêner). Ses racines sont bien ancrées à la terre qu’il chérit mais cela ne lui empêche pas de danser avec la lune qui selon ses cycles provoque en lui des marées de sèves et d'émotions. Sa relation avec le ciel, son dessein ultime est source de coups de foudre mais, à contrario de nous les modernes romantiques, tant que le cœur n’est pas touché, il survit. (Photo de mélèze foudroyé mais vivant dans le Garnier à Beuil) Voici un vivant dont l’altruisme et l’adaptation devrait nous inspirer, son épanouissement passe par celui des autres. Que peut-on dire d’un être qui nous nourrit en oxygène, nous débarrasse de nos déchets carbonés, qui rend nos sols fertiles, dont l’essence nous abrite et nous chauffe et qui se paye aussi le luxe de façonner subtilement nos paysages ? Si ce n’est que c’est probablement notre meilleur ami.
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